La LRU vue par différentes personnes
- Par Nicolas Sarkozy et François Fillon :
Lettre de mission de M. Nicolas SARKOZY,
Président de la République, adressée à Mme Valérie Pécresse, ministre
de l'Enseignement supérieur et de la recherche.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Paris, le 5 juillet 2007
Madame la Ministre,
Les résultats de l'élection présidentielle et des élections
législatives qui viennent d'avoir lieu dans notre pays montrent
l'ampleur de l'attente de changement manifestée par les Français. En
élisant au Parlement une large majorité présidentielle, ils ont voulu
donner au gouvernement, sans aucune ambiguïté possible, tous les outils
nécessaires à la réussite de sa mission. Ce gouvernement, auquel vous
appartenez, n'a désormais qu'un seul devoir : celui de mettre en œuvre
le programme présidentiel et, au-delà, de réconcilier nos compatriotes
avec l'action politique en lui prouvant qu'elle peut encore changer les
choses et rendre à notre pays la maîtrise de son destin.
Tout au long de la campagne présidentielle, des engagements ont
été pris dans le champ de vos compétences ministérielles. Il va de soi
que nous attendons de vous que vous les teniez. L'objet de cette lettre
de mission est de vous préciser les points qui, parmi ces engagements,
nous paraissent prioritaires et sur lesquels nous vous demandons
d'obtenir rapidement des résultats.
A l'heure où s'engage une bataille mondiale de l'intelligence, il
est impératif que la France réforme son système d'enseignement
supérieur et de recherche pour le porter au meilleur niveau mondial.
Elle doit parallèlement mettre fin à l'inacceptable gâchis que
représentent l'échec universitaire et l'inadéquation de nombreuses
filières d'enseignement supérieur aux besoins du marché du travail.
En tant que ministre de l'enseignement supérieur et de la
recherche, vous êtes investie d'une mission absolument prioritaire au
sein du gouvernement et pour la France. Votre objectif doit être de
redresser l'état de notre recherche et de notre système d'enseignement
supérieur et de conduire rapidement plus de bacheliers vers
l'enseignement supérieur, plus d'étudiants vers le diplôme, plus de
diplômés vers l'emploi.
Dès la session extraordinaire de cet été, vous présenterez au
Parlement un projet de loi réformant la gouvernance des universités et
leur permettant d'accéder à de nouvelles compétences et à de nouvelles
responsabilités dans un délai maximum de cinq ans. Dans tous les pays
du monde, la réussite universitaire repose sur une plus grande liberté
des universités pour recruter leurs enseignants et leurs chercheurs,
moduler leurs rémunérations et revaloriser leur situation, choisir
leurs filières d'enseignement, optimiser l'utilisation de leurs locaux,
nouer des partenariats. L'accès des universités à ces nouvelles
responsabilités s'accompagnera, dans le cadre d'une relation modernisée
avec l'Etat, de moyens supplémentaires.
Il est essentiel que les jeunes Français s'orientent vers des
formations qui correspondent à leurs projets personnels, à leurs
talents, mais aussi à l'exigence d'une insertion professionnelle
réussie. C'est pourquoi vous allouerez les moyens attribués aux
établissements d'enseignement supérieur en fonction de leurs résultats
en matière d'accès de leurs étudiants au diplôme et d'insertion de
leurs diplômés sur le marché du travail. La clé de cet objectif réside
dans l'évaluation des établissements d'enseignement supérieur, que vous
devrez mettre en place et rendre publique. Naturellement, l'évaluation
de chaque université devra tenir compte des caractéristiques de la
population étudiante inscrite dans l'établissement.
Nous voulons que chaque bachelier conserve le droit de s'inscrire
à l'université et qu'il soit libre de choisir l'université dans
laquelle il veut étudier, mais nous n'acceptons plus que tant de jeunes
Français échouent dans leurs études universitaires. Vous ferez de la
réussite en licence un chantier prioritaire. Vous mettrez par ailleurs
en place un dispositif d'orientation des étudiants à l'université
permettant de garantir que chaque étudiant rejoint une filière dans
laquelle il a des chances de réussir et d'obtenir un emploi. Le
ministre de l'Education nationale ayant été désigné comme chef de
mission pour la mise en place d'un grand service public de
l'orientation, vous veillerez naturellement à vous coordonner avec lui
pour que ce service public soit en mesure d'informer pleinement les
élèves sur les différentes filières de l'enseignement supérieur, les
aptitudes qu'elles requièrent, et la réalité de leurs débouchés. Un
lien devra être assuré entre l'aide à l'orientation dispensée au sein
des établissements scolaires et l'orientation active proposée par les
universités au moment des inscriptions universitaires. Les étudiants et
les enseignants des universités devront y prendre toute leur part.
Dans le cadre d'une politique d'enseignement supérieur fondée sur
le principe de l'égalité des chances auquel le projet présidentiel est
particulièrement attaché, vous veillerez à ce qu'aucun bachelier ne
soit écarté des classes préparatoires aux grandes écoles au seul motif
de ses origines ou de sa situation sociale. Vous ferez donc en sorte
que chaque année, les 5% des meilleurs élèves de chaque établissement
scolaire soient assurés de pouvoir rejoindre, s'ils le souhaitent, une
classe préparatoire aux grandes écoles ou un établissement bénéficiant
d'un statut de grand établissement ou d'université technologique.
Enfin, vous procéderez à une importante amélioration de la
condition étudiante et de la vie universitaire, en associant, le cas
échéant, à vos projets, collectivités locales et partenaires publics et
privés. Vous ferez en sorte que les étudiants puissent disposer de
logements, de bibliothèques, d'installations sportives dans les mêmes
conditions que leurs homologues étrangers. Vous réformerez le système
des bourses et créerez un dispositif de prêt à taux zéro permettant à
tout étudiant d'être financièrement autonome et garantissant qu'aucun
jeune Français ne soit écarté de l'enseignement supérieur pour des
raisons financières. Nous pensons également que chaque étudiant devrait
avoir la possibilité d'effectuer au moins un semestre de sa scolarité
dans un autre pays d'Europe et nous vous demandons de viser cet
objectif.
S'agissant de la recherche, vous ferez évoluer nos grands
organismes de recherche vers un modèle davantage fondé sur celui
d'agences de moyens finançant des projets. Vous placerez les
universités au centre de l'effort de recherche, en confortant notamment
leur responsabilité dans les laboratoires mixtes de recherche. Vous
veillerez à ce que nos équipes publiques de recherche soient évaluées
dans un cadre ouvert, et surtout à ce que l'évaluation ait des
conséquences opérationnelles dans l'attribution des moyens. Nous
souhaitons que la nation puisse concentrer une partie importante de son
effort de recherche sur quelques grands secteurs particulièrement
porteurs d'avenir, notamment la santé, Internet et l'ensemble des
technologies de l'information et de la communication, les
nanotechnologies, l'énergie et le développement durable. Vous prendrez
toutes les dispositions nécessaires pour encourager l'effort de
recherche et d'innovation dans les entreprises, notamment dans les PME.
Vous encouragerez les brevets et la création d'entreprise au sein des
universités par un dispositif de zone franche fiscale.
Nous voulons que la France devienne un lieu d'excellence
universitaire et scientifique. Vous identifierez quelques campus
universitaires susceptibles de devenir des campus de réputation
mondiale, en particulier le plateau de Saclay qui sera considéré comme
un grand chantier présidentiel. Vous veillerez à la création de campus
de réputation européenne dans les régions. Les conditions de l'emploi
scientifique seront intégralement revues afin de retenir nos meilleurs
éléments et d'attirer les meilleurs enseignants et chercheurs du monde
entier et de leur offrir des conditions de travail, de carrière et de
rémunération valorisant le talent et la compétence, et comparables à la
situation des chercheurs et des enseignants dans les autres grandes
nations développées.
Nous considérons que la mission qui vous incombe est parmi les plus
importantes et les plus urgentes pour l'avenir de notre pays. Vous
bénéficierez des moyens nécessaires pour la mener à bien, mais nous
vous renouvelons notre ferme conviction que l'engagement de moyens
supplémentaires ne peut en aucun cas nous dispenser de réformes de
fond, ni d'un réexamen des moyens aujourd'hui disponibles.
Vous le savez, le programme présidentiel devra être mis en œuvre
en respectant scrupuleusement notre volonté de préserver l'avenir des
générations futures grâce à une gestion rigoureuse des finances
publiques, conforme à nos engagements européens et composante
essentielle de la démocratie irréprochable que nous souhaitons mettre
en place.
Réussir les réformes attendues par les Français et cesser la
spirale de l'endettement ne sont nullement inconciliables, mais sont au
contraire deux objectifs complémentaires dès lors qu'il est décidé
d'abandonner les politiques qui ne marchent pas au profit de politiques
qui marchent. Répartir la pénurie est aussi lâche et inefficace que
laisser courir la dette publique. Si nous voulons modifier en
profondeur les structures et les modes d'intervention des
administrations publiques, c'est pour que chaque euro dépensé soit un
euro utile et que le potentiel humain inestimable de notre
administration soit beaucoup mieux valorisé.
Dès cet été, une révision générale des politiques publiques, à
l'instar de celle réalisée par le Canada au milieu des années 90, sera
donc entreprise. Elle sera conduite, sous notre autorité, par le
Secrétaire général de la Présidence de la République, le Directeur du
cabinet du Premier ministre, le ministre du Budget, des comptes publics
et de la fonction publique, le secrétaire d'Etat chargé de la
Prospective et de l'évaluation des politiques publiques, ainsi que des
personnalités qualifiées issues du secteur public et du secteur privé,
et des parlementaires. L'objet de cette révision générale des
politiques publiques sera de passer en revue, avec la collaboration,
naturellement, des ministres concernés, chacune des politiques
publiques et des interventions mises en œuvre par les administrations
publiques, d'en évaluer les résultats et de décider des réformes
nécessaires pour améliorer la qualité du service rendu aux Français, le
rendre plus efficace et moins coûteux, et surtout réallouer les moyens
publics des politiques inutiles ou inefficaces au profit des politiques
qui sont nécessaires et que nous voulons entreprendre ou approfondir.
C'est dans le cadre de cette révision générale que sera mis en œuvre
l'engagement présidentiel d'embaucher un fonctionnaire pour deux
partant à la retraite et que nos objectifs de finances publiques sur
cinq ans seront poursuivis et atteints (réduction de la dette publique
à moins de 60% du PIB, équilibre budgétaire, baisse aussi rapide que
possible des prélèvements obligatoires avec l'objectif d'une réduction
de quatre points sur dix ans).
Nous vous demandons de vous impliquer personnellement et sans
réserve dans cet exercice qui ne saurait remettre aucunement en cause
la mission que la présente lettre vous confie, ni les moyens
supplémentaires dont nous souhaitons doter notre système d'enseignement
supérieur et de recherche. Les premières grandes réformes issues de la
révision générale des politiques publiques interviendront dès la
préparation des budgets pour 2008. Nous insistons sur le fait qu'un bon
ministre ne se reconnaîtra pas à la progression de ses crédits, mais à
ses résultats et à sa contribution à la réalisation du projet
présidentiel, y compris sur le plan financier.
Sur l'ensemble des points de cette lettre de mission, nous vous
demandons de nous proposer des indicateurs de résultats dont le suivi
sera conjoint. Nous souhaitons que figurent, parmi ceux-ci,
l'augmentation du nombre de jeunes diplômés de l'enseignement
supérieur, aussi bien dans les filières courtes que longues,
l'amélioration du rang de nos établissements d'enseignement supérieur
dans les classements internationaux, avec l'objectif de classer au
moins deux établissements français parmi les 20 premiers et 10 parmi
les 100, l'augmentation de notre effort de recherche et de
développement pour atteindre 3% du PIB d'ici 2012 et l'amélioration
nette de nos performances en termes de dépôt de brevets, publications
scientifiques, et accueil d'étudiants, enseignants et chercheurs
étrangers.
Au terme de votre mandat de ministre, notre pays devra être doté
d'universités de réputation mondiale, attirant les meilleurs chercheurs
et enseignants du monde entier et permettant à beaucoup plus
d'étudiants de suivre une formation qualifiante de niveau supérieur, de
réussir leur cursus et de trouver un emploi.
Nous ferons le point d'ici un an de l'avancement de votre mission
et des inflexions qu'il convient, le cas échéant, de lui apporter.
En vous renouvelant notre confiance, nous vous prions d'agréer, Madame la Ministre, l'expression de nos respectueux hommages.
Le Président de la République, Nicolas Sarkozy
Le Premier ministre, François Fillon
- Point de vue de certains étudiants en vidéo
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